Temps Y
Les expériences de pensées
https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_pens%C3%A9e
Une expérience de pensée (en anglais : thought experiment ; en allemand : Gedankenexperiment) est un essai pour résoudre un problème en utilisant la seule puissance de l'imagination humaine. Cette méthode remonte initialement à Galilée qui en faisait la clé de ses recherches scientifiques, mais elle a été principalement thématisée parErnst Mach qui, dans sa Mécanique, en retrace le développement historique tout en lui fournissant une justification épistémologique. L'utilisation en philosophie des expériences de pensée fait partie de la méthode qui est celle de la philosophie analytique. La démarche générale qui préside aux expériences de pensée se formule par la question : que se passerait-il si... ? De nombreuses expériences de pensée concernent les paradoxes de notre connaissance ; elles s'appliquent à des situations réelles, possibles physiquement (d'après ce que nous comprenons des lois de la nature), ou possibles dans le temps (i.e. possible tant que nous n'en savons pas plus sur les lois de la nature) ou possibles logiquement.
Physiques :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Relativit%C3%A9_galil%C3%A9enne
« Enfermez-vous avec un ami dans la cabine principale à l'intérieur d'un grand bateau et prenez avec vous des mouches, des papillons, et d'autres petits animaux volants. Prenez une grande cuve d'eau avec un poisson dedans, suspendez une bouteille qui se vide goutte à goutte dans un grand récipient en dessous d'elle. Avec le bateau à l'arrêt, observez soigneusement comment les petits animaux volent à des vitesses égales vers tous les côtés de la cabine. Le poisson nage indifféremment dans toutes les directions, les gouttes tombent dans le récipient en dessous, et si vous lancez quelque chose à votre ami, vous n'avez pas besoin de le lancer plus fort dans une direction que dans une autre, les distances étant égales, et si vous sautez à pieds joints, vous franchissez des distances égales dans toutes les directions. Lorsque vous aurez observé toutes ces choses soigneusement (bien qu'il n'y ait aucun doute que lorsque le bateau est à l'arrêt, les choses doivent se passer ainsi), faites avancer le bateau à l'allure qui vous plaira, pour autant que la vitesse soit uniforme [c'est-à-dire constante] et ne fluctue pas de part et d'autre. Vous ne verrez pas le moindre changement dans aucun des effets mentionnés et même aucun d'eux ne vous permettra de dire si le bateau est en mouvement ou à l'arrêt ... »
— Galilée, Dialogue concernant les deux plus grands systèmes du monde, 1632
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canon_de_Newton
Newton imagine un canon placé au sommet d'une montagne de très haute altitude et tirant des boulets.
Plus la vitesse initiale impartie au boulet augmente, plus la distance parcourue par celui-ci augmente.
Il existe un premier seuil à compter duquel la vitesse initiale impartie au boulet est telle que celui-ci cesse de décrire une trajectoire balistique parabolique pour être satellisé sur une orbite circulaire.
Lorsque la vitesse initiale impartie au boulet est supérieure à ce premier seuil, le boulet est satellisé sur une orbite elliptique dont l'excentricité croît avec la vitesse initiale.
Il existe un second seuil — la vitesse de libération — à compter duquel la vitesse initiale impartie au boulet est telle que celui-ci cesse d'être satellisé pour suivre une trajectoire orbitale parabolique.
Lorsque la vitesse initiale impartie au boulet est supérieure à ce second seuil, le boulet suit une trajectoire hyperbolique.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ascenseur_d%27Einstein
Einstein a utilisé l'image d'un ascenseur dans le vide astral (aucun champ de force extérieur à l'ascenseur), tiré vers le haut avec une accélération constante par un géant. On remarquera que cette expérience de pensée n'utilise que des phénomènesmécaniques.
Le raisonnement du physicien enfermé ne tient que dans la mesure où il admet la loi de gravitation, notamment l'égalité entre la masse inertielle et la masse gravifique qui seule peut justifier la simultanéité de la chute de corps de masses différentes par la force de gravitation.
Si l'ascenseur est trop grand, le physicien enfermé peut commencer à expérimenter son environnement pour voir si cette gravitation est semblable à celle sur Terre : modification avec l'altitude, etc. Et dans ce cas, il trouvera des différences.
Si le référentiel est accéléré de manière différente, variable, la force observée par le physicien qui y est soumis sera identifiable à une gravitation car tous les objets y seront soumis de la même manière, mais une gravitation variable : enfermé dans sa boîte, il pourra supposer subir la gravitation d'une ou plusieurs planètes capricieuses.
Par cette expérience par la pensée, Einstein montre que les effets locaux de la gravitation et d'un référentiel accéléré pour l'observateur ne sont pas physiquement distinguables par une expérience mécanique : il y a équivalence locale.
Philosophiques :
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mon_de_Laplace
« Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux. »
— Pierre Simon Laplace, Essai philosophique sur les probabilités1
Problème de l’identité
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bateau_de_Th%C3%A9s%C3%A9e
D'après la légende grecque, rapportée par Plutarque, Thésée serait parti d'Athènes combattre le Minotaure. À son retour, vainqueur, son bateau fut préservé par les Athéniens : ils retiraient les planches usées et les remplaçaient — de sorte que le bateau resplendissait encore des siècles plus tard — jusqu'au point où il ne restait plus aucune planche d'origine. Alors, deux points de vue s'opposèrent : les uns disaient que ce bateau était le même, les autres que l'entretien en avait fait un tout autre bateau. Le problème est de savoir si le changement de matière implique un changement d'identité, ou si l'identité serait conservée par la forme, ou encore d'une autre façon ?
Il y a une autre question, corollaire : si on avait gardé les planches du bateau et qu'avec, on en avait reconstruit un autre, lequel serait le vrai bateau ?
Pour les uns, le bateau de Thésée n'aurait pu rester identique à lui-même que s'il était resté à quai, constamment entretenu, et dans ce cas, même si aucune pièce d'origine ne subsistait du bateau d'origine, c'est bien ce bateau-là qui aurait été le témoin de l'aventure de Thésée.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_chinoise
Dans cette expérience de pensée, Searle imagine une personne qui n’a aucune connaissance du chinois (en l’occurrence, lui-même) enfermée dans une chambre. On met à disposition de cette personne un catalogue de règles permettant de répondre à des phrases en chinois. Ces règles sont parfaitement claires pour l'opérateur. Leur application se base uniquement sur la syntaxe des phrases. Une phrase d’une certaine forme syntaxique en chinois est corrélée avec une phrase d’une autre forme syntaxique. L'opérateur enfermé dans la chambre reçoit donc des phrases écrites en chinois et, en appliquant les règles qu’il a à sa disposition, il produit d’autres phrases en chinois qui constituent en fait des réponses à des questions posées par un vrai sinophone situé à l’extérieur de la chambre. Du point de vue du locuteur qui pose les questions, la personne enfermée dans la chambre se comporte comme un individu qui parlerait vraiment chinois. Mais, en l’occurrence, cette dernière n’a aucune compréhension de la signification des phrases en chinois qu’elle transforme. Elle ne fait que suivre des règles prédéterminées.
En poursuivant ironiquement la procédure du test de Turing, test censé démontrer qu'un programme informatique sophistiqué peut être qualifié d'intelligent, Searle imagine que le programme déterminant les réponses qui sont données à l'interlocuteur sinophone devient si sophistiqué, et la personne non sinophone qui répond aux questions devient si habile dans la manipulation des symboles, qu'à la fin de l'expérience, les réponses qu'elle donne aux questions ne peuvent être distinguées de celles que donnerait un vrai locuteur chinois de langue maternelle, bien que selon Searle, la personne qu'on imagine enfermée dans la chambre ne comprenne toujours pas un mot de chinois.
Cette expérience de pensée montre qu'il ne suffit pas d'être capable de reproduire exactement les comportements linguistiques d'un locuteur chinois pour parler chinois, car parler le chinois, ou n'importe quelle autre langue, ce n'est pas juste dire les bonnes choses au bon moment, c'est aussi signifier ou vouloir dire ce qu'on dit : un usage maîtrisé du langage se double ainsi d'une conscience du sens de ce qu'on dit (conscience intentionnelle) et la reproduction artificielle, même parfaite, d'un comportement linguistique ne suffit pas à produire une telle conscience.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Suicide_quantique
En substance, l'expérience consiste à s'infliger, de façon répétitive, le sort subi par le chat de Schrödinger. L'expérimentateur commet donc un suicide conditionné par un tirage au sort quantique, par exemple une mesure de spin. À chaque fois que le tirage au sort est favorable, c'est-à-dire que l'expérimentateur n'a pas à se suicider, un nouveau tirage est effectué, et ce ainsi de suite autant de fois que jugé nécessaire. L'expérience peut donc être considérée comme une version quantique de la roulette russe2.
Selon la plupart des interprétations de la mécanique quantique, par exemple selon l'interprétation de Copenhague, à chaque itération la fonction d'onde de l'expérimentateurs'effondre de telle sorte que la probabilité de survie décroit exponentiellement avec le nombre d'itérations3.
Selon l'interprétation des mondes multiples, à chaque itération il existe une série d'univers dans laquelle le tirage est favorable à l'expérimentateur. Pour tous les autres univers, l'expérimentateur est mort. Sous l'hypothèse de l'impossibilité de vivre une quelconque expérience une fois mort, la version où l'expérimentateur survit est la seule qui peut être vécue après un certain temps, de telle sorte que du point de vue de l'expérimentateur, tout se passe comme si le tirage au sort lui est toujours favorable, donnant à l'expérimentateur l'impression d'être immortel, ou du moins invulnérable à cette expérience4. L'expression « immortalité quantique » est parfois utilisée pour désigner cette notion.
Si l'objectif initial du suicide quantique est de statuer sur l'existence des univers parallèles, le résultat ne peut être obtenu que de façon subjective, car un observateur extérieur finira toujours par constater la mort de l'expérimentateur dans chaque univers où la mise à mort a bel et bien lieu5. Par ailleurs, l'expérience ne peut infirmer l'existence des univers multiples, même pas de façon subjective : car si l'interprétation d'Everett est erronée, le suicide quantique aboutit inexorablement à un suicide pur et simple. Une telle expérience requiert donc de la part de l'expérimentateur soit une confiance absolue dans l'interprétation d'Everett, soit un désir de savoir suffisant pour y risquer sa vie.
En plus de vérifier l'interprétation d'Everett, le suicide quantique offre d'autres possibilités : par exemple l'expérimentateur survivant dans une série d'univers pourrait envisager de parier avec un observateur sceptique, et, dans l'univers où il survit, il gagnerait la mise à chaque itération. L'expérience fait alors office de martingale6,7. Il existe en fait de nombreuses manières de rendre l'expérience lucrative : il suffit en substance d'utiliser le tirage au sort quantique pour décider d'un choix financier quelconque (par exemple l'achat ou la vente d'un actif sur les marchés financiers) et de procéder à la mise à mort lorsque l'opération s'est avérée perdante.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cerveau_dans_une_cuve
En philosophie, le cerveau dans une cuve (« brain in a vat » en anglais) est une expérience de pensée imaginée par Hilary Putnam en 1981 qui s'inscrit dans le cadre d'une position sceptique. C'est une forme modernisée de l'expérience du malin géniede René Descartes. Elle consiste à imaginer que notre cerveau est en fait placé dans une cuve et reçoit des stimuli envoyés par un ordinateur en lieu et place de ceux envoyés par notre corps. La question centrale est alors de savoir si ce cerveau a raison de croire ce qu'il croit.
Des films comme eXistenZ, la série Matrix ou Passé virtuel (inspiré de Simulacron 3) ont illustré au cinéma des cas très proches de cette expérience de pensée.
Dans le cadre de l'expérience présentée ci-dessus, puisque le cerveau dans une cuve donne et reçoit exactement les mêmes influx nerveux qu'il aurait dans un corps, et puisque c'est là sa seule manière d'interagir avec son environnement, il est donc impossible de dire, du point de vue de ce cerveau, s'il est dans une tête ou dans une cuve. Ainsi, dans le premier cas, la croyance de la personne est avérée (elle est par exemple bien en train de manger une glace) et dans le second cas elle est fausse (elle n'est pas en train de manger une glace, mais le croit). Il serait donc impossible de savoir si nous sommes effectivement des cerveaux dans des cuves ou non. Nous rejoignons donc le doute hyperbolique de Descartes.
Putnam réfute lui-même son propre argument de manière assez subtile et en faisant appel au concept de "référence". Posons à nouveau l'univers (strictement possible physiquement) des cerveaux dans une cuve. Imaginons à présent la signification de "arbre" dans la langue cuvienne, c'est en quelque sorte une référence non à un arbre réel mais à (mettons) un certain influx nerveux provoqué par l'ordinateur modifiant les représentations des cerveaux. Dans ces conditions, pour les cerveaux dire : "Il y a un arbre devant moi" est une assertion parfaitement correcte. Partant, le mot "cuve" désigne une cuve dans l'image en langue cuvienne, et non la cuve réelle dans laquelle baignent les cerveaux. Or, ce cas n'est pas spécifique au mot "cuve" en langue cuvienne, il est la règle pour tous les mots. Ainsi, lorsqu'un cerveau pense/dit : "Je suis un cerveau dans une cuve.", cette affirmation est contradictoire car il est en train de dire qu'il est un cerveau dans une cuve DANS L'IMAGE (c'est-à-dire dans la réalité créée par les influx nerveux), or l'hypothèse reposait précisément sur le fait que les cerveaux dans une cuve ne sont pas des cerveaux dans une cuve dans l'image… L'argument se contredit donc lui-même !